Suivre la lumière

Quel bonheur de pouvoir profiter à nouveau de ma liberté, le problème, c’est que je ne sais pas exactement quoi en faire maintenant. Comment vivent les gens normaux ? Je ne le sais plus. J’ai une éducation d’enfant de treize ans, je n’ai pas de diplôme, je n’ai pas d’envie particulière et je suis folle. Mon agent de probation m’a quand même aidé à m’orienter, au moins elle peut nous être un minimum utile. Comme la danse a toujours été ma passion, elle pense que je peux en vivre, mais pour ça il faut déjà que je me remette au niveau. Pas un gros challenge, quand on a fait ça toute sa vie, on retrouve vite ses réflexes, c’est comme le vélo, ça ne s’oublie pas. Mon agent de probation pense que je pourrais intégrer une troupe de cirque pour commencer. Je ne sais pas si elle se moque de moi, mais elle ferait mieux de ne pas insister à propos de cette idée, travailler avec une troupe toute entière c’est bien trop m’en demander, j’ai besoin d’un métier que je peux exercer seule. On m’a proposé une place dans un club néo-burlesque où je pourrais faire mon numéro seule sur scène si je faisais d'abord mes preuves, peut-être que ce serait déjà plus intéressant pour mon cas.

J’ai passé la journée à aller de club en club pour trouver une place dans la société, ce n’est qu’après être sortie d’un énième entretien que je me rends compte que la nuit est déjà tombée. Pourquoi est-ce que les journées sont si courtes ? Dès que je quitte ce club et observe ce ciel obscure je me sens mal. Il faut que je rentre. Je marche dans les rues, pressant le pas comme une fille qui se ferait suivre, c’est un peu mon cas, les ténèbres me suivent et sont en train de me rattraper. Je commence à courir, jusqu’à me rendre compte que je ne sais pas où je vais. La nuit tous mes sens sont perturbés. Où est le nord ? Où est le sud ? Où est-ce que je vis ? Je commence à tourner sur moi-même, fixant toutes ces rues différentes, cherchant à en reconnaître une mais aucune ne me semble familière.

Je continue d’errer dans les rues de longues minutes, désespérée, jusqu’à ce que j’aperçoive cette maison toute éclairée. Là-bas... C’est là qu’il faut que je me rende. J’avance jusqu’à la porte d’entrée et tourne la poignée. Ouvert. J’entre, ne prenant même pas la peine de refermer la porte derrière moi, la seule chose qui m’obsède, c’est la lumière. J’aperçois une jeune femme blonde au loin, de dos, je crois qu’elle se prépare à manger, en tous cas elle ne m’a pas remarqué. Je continue d’avancer à l’intérieur de cette maison, il n’y a personne dans le salon et c’est la pièce qui est dotée de la lumière la plus intense. Alors je décide d’y rester, m’installant sur le canapé, le regard fixe devant moi, je ne bouge plus, tel un téléphone en train de se recharger.

« J’espère que tu ne comptes pas passer la nuit ici. »

- C’est bien ici, la nuit est chassée, on est en sécurité.

« Jusqu’à ce qu’on nous fiche à la porte. »

- Non, tu ne les laisseras pas faire ça.

N’est-ce pas Lilith ? Toi aussi tu détestes la nuit, alors si on essaie de nous chasser de cette maison, je te rendrais le contrôle et tu pourras faire d’eux ce que bon te semble. Voilà un deal qui semble te convenir, tant mieux, maintenant laisse-moi me reposer.