Liam m’a noué ma cravate comme une de ces petites ménagères de l’ancien temps. Il m’embrassa et me sourit. _ On est l’archétype du petit couple neuneu là tu sais ? _ C’est possible oui… Ce jour-là, nous avions rendez-vous avec une journaliste qui avait, visiblement, beaucoup aimé notre dernière pièce ; Orange, la couleur de la crainte. Une satire sociale sur un jeune homme ayant voté pour Trump et qui se rend compte petit à petit de son erreur et fini par être mis en difficulté par pratiquement tout ce que le nouveau présidant fait. En gros, c’est le speech de la pièce. Avec un sujet pareil, nous avons eu pas mal de spectateur et nous avons tous été ravis, et le ravissement est monté d’un cran lorsque le directeur du théâtre à reçus l’appel de la journaliste qui voulait interviewer la troupe. Parfait !
Nous sommes donc arrivés au théâtre un peu plus tôt avec Liam. Nous nous sommes préparés et nous avons un peu réfléchi aux questions qu’on pouvait nous poser et des réponses qu’on pouvait apporter. Et puis, nous fûmes prêts. Nous nous sommes assis dans la deuxième rangée avant la scène et nous avons attendus que le directeur revienne avec la journaliste. Il n’y avait pas énormément de monde dans la troupe, moi, Liam, et 6 autres personnes, mais étant le personnage principal, je savais que les questions se dirigeraient plus vers moi. Devant, quelques personnes modifiaient la scène pour une autre pièce que l’on jouait en même temps. Tout le monde discutait et mon amie Félicia semblait surexcitée de se faire interviewer. Madame journaliste, nous n’attendons que vous !
Lorsque Debbie rentra de sa soirée au théâtre, vendredi soir, elle était totalement sous le charme. La pièce qu’elle avait vue l’avait séduite comme peu d’autres l’avaient fait. Orange, la couleur de la crainte. Tout était parfait dedans. Le jeu des acteurs, l’intelligence des dialogues, la mise en scène, l’audace du script, tout. Le message était clair et très bien amené, chaque détail, chaque mot, chaque virgule semblait avoir eu son importance ; et la prestation des comédiens l’avait époustouflée. Surtout, surtout, cette pièce critiquait avec justesse et intelligence l’élection du Président Trump et ceux qui le soutenaient. Traiter de la politique actuelle de cette manière était plutôt risqué, mais la troupe de théâtre avait su relever le défi avec brio. Et au vu des applaudissements enjoués à la fin de la représentation, Debbie n’était certainement pas la seule à penser ainsi.
Le lundi suivant, elle se décida à appeler le directeur du théâtre afin d’organiser un rendez-vous pour une interview. Elle ne s’occupait pas des évènements culturels d’ordinaire, mais celui-ci était différent. Non seulement elle avait personnellement adoré la pièce et prenait à cœur l’idée de la faire découvrir à ses lecteurs, mais en plus cela soulevait des points intéressants. Avec ça, elle avait largement matière à rédiger un article engagé ; or c’était le genre d’article qu’elle préférait. L’entretien avec la troupe de théâtre avait donc été fixé dans la soirée, avant la représentation. Debbie ne le nierait pas, elle attendait ce moment avec grande hâte.
À l’heure convenue, elle sortit de son bureau et conduisit jusqu’au théâtre – pas besoin d’uredium Debbie, tu n’as pas besoin d’uredium, la voiture pour se déplacer c’est très bien – où elle fut sympathiquement accueillie. Ça faisait du bien de se rendre dans un endroit où les journalistes étaient bien vus. Elle entra et aperçut la troupe qui l’attendait sur une rangée de sièges proches de la scène. Elle reconnut les huit comédiens qu’elle avait vu sur scène quelques jours plus tôt, notamment celui qui interprétait le personnage principal, Tom Perrin. Elle s’approcha, les salua tous d’un grand sourire et tendit la main à chacun d’entre eux.
« Bonsoir, Debbie Kingsley, journaliste du San Diego Times. Enchantée ! »
Une fois le tour des présentations terminé, elle prit place sur l’un des sièges et sortit son matériel, à savoir un bloc-notes et un stylo – le dictaphone n’était pas utile cette fois. Puis elle commença :
« Avant de passer à l’interview, j’aimerais vous féliciter tous pour votre prestation, vous avez un jeu vraiment épatant. J’ai été très impressionnée. »
Elle s’adressait à tous les comédiens mais son visage était principalement tourné vers Tom, le comédien principal. Tous avaient été très bons, mais lui en particulier avait été très fort. Il avait réussi à tourner son personnage en dérision tout en restant toujours juste, ce qui était plutôt impressionnant. Debbie avait plein de questions à lui poser.
« Ma première question est la suivante : comment avez-vous travaillé votre personnage ? Sa façon de parler, sa gestuelle… Qu’est-ce qui vous a inspiré ? »
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