Dans la famille Redioactif, je demande la fille ! [Bailee]

Bailee Scarcliff. C’était le nom qui avait finalement résulté de ses nombreuses recherches sur la société Redioactif. Une jeune femme qui, d’après ses sources, ferait partie de la famille fondatrice. Probablement l’une des filles. L’enquête avait été plutôt compliquée, l’héritière ayant vraisemblablement décidé de cacher sa véritable identité, mais à force de documentation, d’entretiens, de regroupements de témoignages, etc, Debbie était parvenue à en tirer des conclusions. Et la première, c’était d’aller interroger cette Bailee. La rouquine n’était pas bien sûre de ce que la jeune femme voudrait bien lui dire, mais elle comptait bien obtenir de cet entretien le maximum d’informations possibles sur cette entreprise si mystérieuse. Et, si possible, mettre un jour quelques-uns de ses plus sombres secrets, parce qu’elle devait bien en avoir certains.

Debbie avait tenté plusieurs fois de s’entretenir directement avec les fondateurs de Redioactif, mais ceux-ci étaient pratiquement intouchables et ne laissaient aucun journaliste les approcher. Les seules réponses que l’on pouvait obtenir de leur part se résumaient à : « ça fonctionne ». Quant aux employés, soit ils étaient tous de très bons menteurs, soit ils n’étaient pas plus informés sur la société pour laquelle ils travaillaient que le reste de la population. Mais cette fois-ci, Debbie était confiante. La fille Scarcliff aurait des choses à lui dire. Elle en était certaine.

La journaliste n’avait pas fait les choses à moitié. Elle s’était renseignée sur le véhicule que conduisait l’héritière ainsi que sa plaque d’immatriculation, et connaissait aussi les endroits qu’elle fréquentait le plus. Elle avait d’abord pensé à toquer directement à sa porte, mais elle aurait risqué de se faire jeter avant même d’avoir pu poser un pied à l’intérieur. Elle était trop près du but, il valait mieux qu’elle laisse toutes les chances de son côté. Alors, lorsque la voiture de la demoiselle avait été repéré sur le parking de la plage, elle avait pris la sienne et s’y était rendue immédiatement. Bon, elle avait un peu hésité à y aller en volant, mais elle s’était dit que pendant les heures de travail, ça ne faisait pas très pro. Autant utiliser les bonnes vieilles méthodes.

Après avoir fait un petit tour de la plage, Debbie aperçut finalement Bailee assise au comptoir de l’un des bars faisant face à la station balnéaire, en train de siroter un cocktail. La place à côté d’elle était libre. Parfait. La rousse entra dans le bar, s’assit sur la chaise près de la jeune femme et commanda un Sex on the Beach, parce que tant qu’à faire, c’était bien aussi de se faire plaisir. Puis elle se tourna vers la blonde et se présenta :

« Mademoiselle Scarcliff ? Je suis Debbie Kingsley, journaliste au San Diego Times, enchantée. Est-ce qu’on pourrait discuter un peu ? »

Debbie n’aimait pas trop passer par quatre chemins. Elle préférait y aller directement. Elle imaginait bien que Bailee pouvait refuser totalement de lui parler, mais elle avait quelques idées pour la faire changer d’avis, si besoin était.

Une bouffée d'oxygène après tant de tourments. Des fantômes infestaient les nuits de la population de San Diego et les questions qui tournaient dans l'esprit de Bailee lui ordonnaient de trouver une réponse rapidement. Sa famille avait enterré de nombreux cadavres et elle refusait de leur voir sortir de leur silence morbide pour une raison qui lui échapperait. Sa lignée lui avait été imposée et elle s'interdisait de payer la note des erreurs de ses ancêtres.

L'alcool avait rongé son esprit durant toute une soirée de débauche avec quelques amis. Alors elle s'était réfugiée dans une sage boisson aux fruits pour réfléchir devant une livre de droit commerciaux. La même phrase dansait sous son regard depuis une heure et ne s'imprimait qu'avec grande difficulté entre ses pensées parasites. En parlant d'eux, un nouveau s'imposait en la présence d'une... Debbie Kingsley? Un temps, les cils de la blonde battirent l'air pour mieux analyser cette inconnue. Rousse. Bien habillée.... et journaliste. Aussitôt, un réflexe s'enclenchant, cherchant tout potentiel enregistreur, micro et caméra. Comment se débarrasser d'elle? La question ne la troubla qu'une micro seconde avant de reprendre de bonnes habitudes. Sourire aimable, regard pétillant et accueillant, petite moue joviale et évidemment un geste d'accueil.

"Bonjour. Je suis en plein travail comme vous le remarquez mais prenez place." Sa main munie d'un stylo accompagne le propos d'une invitation d'un geste vers le tabouret. " Vous n'êtes pas la première à vous méprendre sur moi." Un sourire charmant appuya un mouvement visant à faire place à la curieuse. "Vous enquêtez sur les fantômes? Je me demande toujours d'où ils viennent. C'est vraiment effrayant, n'est-il pas?" Un cahier se refermait sur un autre pour mieux disparaître sous un livre de gestion. L'avenir appartenait aux savants et aux intelligents. Il faudrait donc travailler dur pour atteindre les sommets ou, dans le cas de Bailee, y rester. La concurrence ne faisait aucun cadeau.

Debbie nota un changement d’expression très subtil de Bailee, comme si elle avait été prise de stress pendant une fraction de seconde, le temps de la détailler, avant d’emprunter un visage plus chaleureux. La rouquine garda ceci en tête, mais cela pouvait dire n’importe quoi. Beaucoup avaient pour réflexe de se méfier des journalistes trop curieux, même en ayant rien de très important à cacher. Cela dit, ceux-ci reprenaient rarement un air aimable aussi rapidement. Enfin, il n’y avait pas de raison de cracher dessus. Debbie remercia la blonde d’un sourire et ne put s’empêcher de jeter un œil au livre ouvert devant elle. Sans doute un devoir, elle savait que Bailee était étudiante. Rien qui ne soit intéressant pour le moment, donc. Elle répondit plutôt à la deuxième affirmation prononcée par la demoiselle :

« Me méprendre ? À quel sujet ? Vous n’êtes pas Bailee Scarcliff ? »

Elle s’était pourtant bien renseignée sur l’héritière, et elle était certaine que le visage auquel elle faisait face actuellement était identique à celui qu’elle avait rencontré lors de ses nombreuses recherches. Il n’y avait pas vraiment de doute possible, Debbie n’avait pas pu se méprendre à ce sujet.

Son cocktail arriva à ce moment-là, et elle en but une gorgée tout en réfléchissant aux autres questions posées par la jeune femme blonde. Elle n’avait pas tort, les fantômes étaient effectivement le sujet d’une de ses enquêtes. Mais ce n’était pas sa priorité aujourd’hui. Elle reposa son verre sur le comptoir et répondit tout en souriant :

« Je suis bien d’accord, le mystère qui entoure ces fantômes est bien inquiétant. Mais ce n’est pas pour ça que je suis ici. Je fais des recherches sur l’entreprise Redioactif. Vous avez peut-être des choses à dire dessus ? Que savez-vous des produits qu’elle fabrique, les urediums ? »

L’interrogation n’étant pas encore à un stade bien avancé, Debbie n’avait pas pris la peine de sortir son bloc-notes ou d’enclencher son enregistreur vocal pour le moment. Elle sentait qu’elle était proche de découvrir de grandes choses sur Redioactif et ne voulait pas prendre le risque d’effrayer une potentielle source d’informations.

Son rôle lui collait à la peau. Sa blondeur ne reflétait en rien la qualité de son intelligence. Evidemment, lorsqu'elle jouait l'héritière croulant sous le poids de l'argent, elle transformait au maximum son apparence: maquillage et contouring, couleur de cheveux et coiffure, lentilles de contact et faux cil, faux seins et forme de vêtements... Tant de mal pour terminer face à une journaliste trop sûre d'elle causerait de l'agacement à n'importe qui de consciencieux, mais pas à la jeune Scarcliff.

"Pas celle que vous pensez." Approuva la blondinette sans perdre de son applomb. Jouer les blasées toujours amusée par la situation devenait une habitude. Un jour, son mensonge prendra un goût de vérité. Cette certitude la rassurait.

Ses mains happèrent sa boisson pour la tirer vers elle et la protéger de cet assaut de questions. Certainement pas. Si personne ne possédait la capacité de lui épargner les journalistes, les questions fâcheuses et la solitude d'être la fille d'un homme trop puissant, elle n'avait pas pour autant l'intention de rester les bras croisés à regarder cette journaliste ruiner son après midi et son identité secondaire.

"Madame... je vous l'ai dit. Je ne suis pas elle . Vous n'êtes pas la première à débarquer de la sorte vous le savez." Puisant une gorgée de sa boisson pour calmer l'irritation de sa gorge à trop parler, la blondinette y trouva plus de force. "Je suis tranquillement en train de boire mon thé... une fois j'ai même été payé pour me faire passer pour elle à l'entrée de l'entreprise pour qu'on me laisse entrer et tout. Ca n'a pas marché. Mais j'ai gagné 100 dollars!" S'enthousiasma la jeune femme en étirant un long sourire sincère à cette anecdote parfaitement vrai. Rien qu'à imaginer la tête du journaliste lorsqu'il avait dû expliquer qu'il n'aurait pas l'information et encore moins de quoi faire la première page, ca lui remettait du baume au coeur.

Merde. Ça ne se passait pas du tout comme Debbie l’aurait souhaité. La journaliste était intimement persuadée que la blonde en face d’elle était véritablement l’héritière des Scarcliff, mais le discours de la demoiselle lui mettrait presque le doute. Si elle mentait, elle n’en avait pas l’air. À croire qu’elle avait appris son rôle à la perfection. Si c’était effectivement un rôle. Mais c’était trop gros. Bailee Scarcliff avait un sosie ? Qui était, comme par hasard, une étudiante en droit à San Diego ? Et qui se trouvait dans un bar à cocktail au bord de la plage, où la voiture de l’héritière avait été repérée sur le parking ? Non. À moins qu’elle ait fait fausse piste depuis le début, il y avait peu de chances pour que ce soit une simple coïncidence.

Il n’empêchait que la blondinette se démerdait bien pour éviter de lui répondre. Et Debbie allait devoir se montrer au moins aussi maline qu’elle pour la coincer. Elle sentait que cette histoire allait finir par l’agacer, mais il fallait qu’elle se contienne. Cet entretien était trop important pour tout foirer.

« Je vois. Désolée pour cette méprise. Vous savez, peu de gens connaissent l’identité de Bailee Scarcliff, encore moins son lien avec l’entreprise Redioactif. J’ai moi-même eu du mal à récolter ces informations. Et même avec tout ça, je me plante et je tombe sur son sosie à la place. C’est fou, non ? »

Elle but une gorgée de son cocktail puis esquissa un sourire et poursuivit :

« Cela dit, elle se manifestera sans doute si je publie ce que je sais dans mon journal. Ce serait un coup bas mais ça reste légal. Qu’en pensez-vous ? »

Debbie n’était pas très fière de devoir passer par du chantage, mais disons que la fin justifiait les moyens, au moins dans ce cas. Elle espérait que l’étudiante allait mordre à l’hameçon, ce qui rendrait la tâche moins compliquée. Dans le cas inverse, elle devrait improviser à nouveau.

Spoiler:

Les journalistes se pointaient par millier dans ses premières années. L'armure d'une homonyme lui apportait un brin de tranquillité salvatrice. Avec le temps, la blondinette avait appris à jouer dans la cours des journaliste, des fouines et diverses autres journalistes aux basses pulsions et mauvaises pratiques. Chantage, extorsion, manipulation et agression avaient son quotidien pendant longtemps et tout ça à cause de sa famille et de son héritage! Alors l'image qu'avait la blondinette du métier dans les médias lui donnait la nausée. La femme qui lui faisait face aujourd'hui n'arrangeait pas la situation.

Debbie savait parfaitement que Bailee, la véritable héritière de redioactif, était la fille du créateur de Redioactif, de l'inventeur de l'uredium, qu'elle hériterait de la moitié de l'entreprise à la mort des parents. En revanche, la blondinette n'avait rien d'idiot et elle s'arrangeait toujours pour ne pas utiliser la même voiture sous ses deux identités, les mêmes logements ou encore les mêmes vêtements. Ceux qu'elle portait aujourd'hui coûtaient moins cher que ceux qu'elle portant en tant qu'héritière. Elle s'afflublait de lentilles de contact colorées et d'une perruque. Ca ne changeait pas tout mais juste assez pour semer le doute lors de ses rares apparitions en public.

"Moi une fois, je trainais dans la rue et j'ai cru voir Ryan Gosling! En faite c'était pas lui mais j'ai pris une photo avec quand même parce que c'est classe." Appuya Bailee sans se départir de son assurance. Ses doigts courraient avec ennui le long de la table. Elle n'avait rien demandé et plus encore, la situation durait. Boire un verre devenait complexe. Alors, Debbie venait enfin montrer son véritable visage. Les petites marques de chantages se faisaient sentir mais Bailee tenait bon. Hors de question de céder quoique ce soit. Elle était prête à tout pour maintenir son rôle, même à laisser sa famille gérer les répercutions d'une salle affaire. D'ailleurs, cette petite pique ne pesait pas lourd face aux autres journalistes qui arrivaient jusqu'à elle.

"Je sais pas moi. Mais je sais qu'une aussi grosse boite, ça doit forcement avoir des gens qui prennent des rendez-vous et tout." Ouais probablement. D'ailleurs, Bailee s'en moquait bien du fonctionnement de son entreprise ou plutôt de sa future entreprise. De toute façon, elle n'en serait jamais à la tête!