Ne pas avoir peur des fantômes [Intrigue Halloween]

Il y a des jours où je reste bien trop longtemps sur une terrasse, à observer les gens. Ce jour-là, c’était le 31 octobre et déjà les gens sortaient déguisés pour fêter les morts. Quelle stupide tradition. Les gens morts sont mort, ça ne sert à rien d’y penser, la mort, c’est la fin, point. Mais je devais bien avouer qu’observer ces débilités restait amusant.
Vers 17h45, j’ai décidé qu’il serait temps de rentrer. Je n’avais pas de missions pour l’instant, mais cela pouvait arriver à tout moment, je me devais d’être en forme.
J’ai marché lentement, tranquillement, en restant discrète sans forcément me cacher, je n’attirais pas l’attention.
Et puis, c’est arrivé soudainement. J’ai vu quelqu’un qu’il me semblait connaître. J’ai tourné le dos à cette apparition, mais une autre se trouvait derrière moi. Une femme et un homme. Inexplicablement, mon cœur a commencé à battre fort. Je respirais avec difficulté et je transpirais.
J’ai essayé de marcher vite et loin d’eux. Ils ne me parlaient pas, ils ne disaient rien, mais ils me suivaient, et moi, j’avais peur. Je ne savais pas pourquoi ni comment, mais j’avais peur. J’ai fermé les yeux, continuant à essayer de me convaincre que je n’avais aucune raison d’avoir peur. Mais mon corps refusait de m’écouter et il a commencé à trembler. J’ai filé dans une petite rue. Ils étaient toujours là. Je ne savais pas qui ils étaient, je ne savais pas pourquoi ils étaient là, mais j’ai continué à trembler de tous mes membres.
Au fait fond de la rue, je me suis accroupie contre le mur. Il fallait que ça s’arrête. Mon corps tremblait et je les sentais toujours autour de moi.
_ LAISSEZ MOI ! PARTEZ ! Laissez-moi tranquille !  

Je n’avais presque pas conscience que quelqu’un m’avait rejoint, quelqu’un de bien vivant… Mon corps continuait à trembler et moi, je me sentais toujours aussi effrayé, aussi en dangers. Je murmurais comme à moi-même.
_ Non ! Non, non, non, non, ils sont là, ils sont toujours là, ils me regardent, ils m’observent, je le sens, je le sais.
Et puis soudain, j’ai crié pour essayer de me libérer de cette peur.
_ NON ! Non ce n’est pas possible ce n’est pas logique ça ne peut pas être vrai !
Et, pour la première fois depuis bien longtemps des larmes ont coulés sur mes joues.
_ Je sais que ça ne peut pas être vrai, ça ne peut pas… Mais mon corps refuse de m’obéir, il refuse de m’écouter.
Essuyant mes larmes, je sentais la colère monter en moi. Mais elle n’était rien face à ma peur, ma terreur, qui m’immobilisa totalement. Je n’osais même pas lever les yeux. Je ne voulais pas voir ces gens.
Qui étaient-ils ?

Je n’avais même pas fait le rapprochement entre la femme qui se trouvait face à moi et celle que j’avais vu à l’hôpital quelques mois plus tôt. Je n’étais pas prête de le faire ! Mon corps tremblait toujours quand j’ai senti la chaleur de sa main. Je n’y avais pas forcément fait attention, je n’étais pas dans une posture qui me le permettais, mais, là encore une première pour moi, je n’ai pas senti de dégoût à ce contact. Il m’a même… Rassurée… Mais ce n’était pas conscient.
_ Tu dis que toi aussi tu peux les voir, alors comment sais-tu qu’ils ne sont pas vraiment là !
Loin de me rassurer, ses mots m’ont plus effrayé encore. J’étais tout de même d’accord sur le fait de m’éloigner de cet endroit, mais pour aller où ? J’étais certaine qu’ils me suivraient de toute façon.
_ Je veux partir, je ne veux plus les voir, je veux qu’ils me laissent tranquilles…
J’avais toujours la tête baissée pour ne surtout pas croiser leur regard.
_ Je… Je les connais, je les connais… Je ne sais pas qui ils sont mais je les connais…
Un coup de vent brusque me glaça jusqu’au sang. J’avais froid maintenant. Je m’étais calmé, seulement j’étais partie loin dans ma propre tête. Je regardais dans le vide, le regard terrifié mais les tremblements avaient cessé.
Qui étaient-ils ?

Mon corps sans grande consistance, suivait la femme qui m’aidait. J’étais ailleurs, je n’avais plus trop conscience de ce qu’il se passait autour de moi.
Et puis, quelque chose de glacée m’a touché l’épaule. Le froid s’est rependu en quelques secondes dans tout mon corps. Je me suis recroquevillée immédiatement, les yeux fermés et les lèvres serrées pour ne pas crier.


Il y a une petite fille. Une petite fille aux longs cheveux qui sourit. C’est Idille, une Idille heureuse qui semblerait presque n’avoir jamais existé. Devant elle, il y a un homme qui sourit aussi. Un peu plus loin, il y a une femme, il semble qu’elle cuisine. Ces gens-là, Idille les connais sous le nom de Papa et Maman. Maman se retourne, elle aussi elle rigole, Papa viens de faire une blague. Dans sa main, il y a un grand couteau.
Un flash lumineux.
Le couteau est toujours là, mais il n’est pas dans la même main. Tout est devenu sombre et rouge. Au sol, le liquide s’étend et forme une mer rouge qui pourrait noyer quiconque s'y risquerait. Au milieu de cette mer, il y a deux formes sombres, des formes géantes. Le liquide vient de là.
Dans la tête de la petite Idille, c’est l’orage. Peur. Terreur. Tristesse infinie. Colère extrême. Son visage lui, est impassible. Le mur vient d’être monté, un mur entre elle et ces émotions, un mur qui ne cessera de grossir.


Le son est sorti de ma gorge sans que je puisse m’en empêcher. J’ai crié, crié, crié… Et puis, l’orage est revenu. Cet orage qui traverse mon crâne et qui me laisse sans défense. Je convulse, je ne contrôle plus rien…
Et puis tout reviens à la normal. La crise n'aura pas duré très longtemps, heureusement. Je suis essoufflée, mais ça va, ça n’a pas duré très longtemps. Et en plus, nous n’avions pas encore atteint la grande avenue.
Je me suis mise de nouveau en boule, les tremblements avaient repris. Je n’arrivais pas à réfléchir, mais je voulais rentrer chez moi. Alors je l’ai dit, avec le peu de voix qu’il restait dans ma trachée.
_ Je veux rentrer chez moi…  

Dans un état assez second, je suivais mes pas et ceux de la dame. Je ne savais même pas comment elle s’appelait. Je m’en fichais un peu. Après plusieurs minutes de marches en silence, plongée dans mon esprit embrumé, j’émergeais enfin. Je me frottais les yeux comme après une longue nuit, je regardais un peu partout et me stoppais dans ma marche.
_ Qui êtes-vous ?
Soupçonneuse, j’essayais de me remémorer ce qu’il venait de se passer, les yeux dans le vide. Et ça revint.
_ Oh…
Ma tête me lançait encore, faisant pleurer mes yeux, mais le reste de mon corps était à peu près fonctionnel. Et, le plus important, les « fantômes » étaient partis.
_ Je crois que tu avais raison, c’était juste dans ma tête.
Je regardais cette femme qui avait bien voulut m’aider sans rien dire, je ne savais même pas son nom, mais pas de redio, mon état n’était pas assez stable.
Et puis soudain, un frisson, beaucoup plus long que d’habitude, s’empara de moi. J’eut si froid que je fus contrainte à essayer de me réchauffer moi-même. Quelque chose me disait que ce n’était pas fini…

Encore un peu perdue, je me suis vaguement demandé si je pouvais lui dire la vérité. Je me suis très vite résignée. Malgré l’aide qu’elle m’avait apporté, je ne pouvais pas lui dire la vérité… en tout cas pas sur mon identité…
_ Mila… Mila Howkins, je m’appelle Mila Howkins.
Je n’aimais pas forcément les docteurs, ils cherchaient toujours à trop en savoir. Mais… à ce moment-là, j’avais eu du mal à mentir, et je ne me sentais pas capable de raconter trop de mensonges.
_ Oui, c’était sûrement ça… Moi j’ai vu… Je ne sais pas, une femme et un homme… je les ai connus, mais je… j’arrive pas à… mettre des mots dessus.
C’était étrange comme sensation. Je revoyais clairement leurs visages, leurs sourires, mais je n’arrivais pas à mettre un nom sur leur image… Quoi que…
_ Je… je crois que la femme à un prénom qui commence par M… et…
Je me suis mis la main sur mon front encore douloureux. Réfléchir ne faisait qu’aggraver la situation, mais cela me semblait nécessaire.
_ Pa ! Oui l’homme c’est quelque chose qui commence par Pa !
Ça ne m’avançait pas vraiment.