Intrigue: Stranger Things

ft. Bailee Scarcliff, Lysander Nash et Jérémy Bishop

“On a peur, on s'imagine avoir peur. La peur est une fantasmagorie du démon.”

Stranger Things

Il avait été prévu un dîner entre collègues dans un restaurant assez huppé de San Diego pour fêter la nouvelle année, mais au son de l’éclair, tous s’étaient arrêtés juste devant. Le ciel avait rougi comme pour arrêter le temps et la naissance d’une tornade au loin ne pouvait qu’attiser sa curiosité ; Aleksander proposa au petit groupe un léger changement : ne pouvaient-ils pas reporter le repas plus tard dans la soirée afin d’observer ce phénomène, semblait-il tout à fait unique, de plus près ?

La curiosité ne devait-être le défaut que d’Aleksander, car un quart d’heure plus tard, il se retrouva seul face à l’hôpital, pendant que ces collègues devaient prendre place à table. La tornade avait peu à peu révéler sa véritable nature : une nuée de fantôme tournoyant.  
Face à un tel phénomène, il ne restait qu’à le croquer, première étape de l’étude. En farfouillant sa poche, Aleksander fut incapable de trouver son stylo. Il se tourna alors vers la personne la plus proche de lui :

- Auriez-vous un stylo ou crayon à me prêter, s’il-vous-plait ? J’ai sûrement perdu le mien quelque part sur le chemin jusqu’ici.

HRP:

Abandonner sa petite soirée pour rejoindre une tornade... Dans sa précipitation, elle n'avait qu'enfiler une paire de botte et une veste. Il lui restait ses talons, sa jupette et son corsage... rien de glorieux pour affronter la mort! Mais cette curiosité la poussait à venir sur les talons d'une foule tantôt pressée vers l'avant, tantôt vers l'arrière. Au fur et à mesure de son avancée, les têtes s'amoindrissaient jusqu'à ne devenir que quelques irréductibles êtres, probablement tous un peu fou à l'occasion. Un flot de jurons lui échappa lorsqu'elle réalisa que le nuage n'était qu'un amas de fantômes.

"MAIS QU'EST-CE QUE VOUS VOULEZ A LA FIN? DEGAGEZ! Z'ÊTES MORTS! " Hurlait Bailee en jetant sa canette de soda de toutes ses forces en direction des nuages. Évidemment, elle était bien trop loin!

Bobby était apparu devant elle. Comme une habitude. Et comme plusieurs soirs avant ça, Debbie contemplait le fantôme de son frère les yeux remplis de larmes, ressentant plus que jamais cette affreuse culpabilité au fond de ses entrailles. Elle ne savait pas ce qu’il avait à lui dire, mais elle l’imaginait. Tu as replongé. Tu consommes encore, malgré l’interdiction, malgré tes ressentiments, malgré ce qu’ils m’ont fait. Je suis mort à cause de ces putains d’urediums, et toi tu continues d’en prendre, juste pour quelques heures de légèreté. Oui, c’était sans doute ce qu’il lui dirait, s’il le pouvait. Et elle ne répondrait rien, parce qu’il aurait raison. Mais elle ne pouvait pas s’en empêcher. Elle voulait voler, c’était plus fort qu’elle. Même si ça la rendait malade, et même si, pour une raison qui lui échappait, ça attirait l’esprit de Bobby le soir venu.

On était le 31 décembre. La nouvelle année, Debbie comptait la passer seule, au bureau. Ses collègues du journal étaient rentrés faire la fête en famille ou entre amis, et la rouquine avait décidé de ne pas les accompagner. Elle voulait se retrouver avec Bobby. Lui dire que cette fois, elle jetterait l’uredium pour de bon. Pour lui. Que ce soir, ce serait la dernière. Promis. Et ensuite, elle reprendrait ses recherches contre Redioactif, et elle serait clean. Plus de tentations.

Assise sur le siège de son bureau, les yeux rivés sur l’écran de son ordinateur, Debbie regardait l’heure tourner. 23h59. Plus que quelques secondes. Dix. Cinq. Trois. Deux. Un.

« Bonne année Bo… »

Bobby hurla, produisant un son effroyable qui cloua Debbie sur place. Puis il s’éleva et partit. Affolée, la journaliste courut à la fenêtre, tentant de comprendre où allait le fantôme, et assista à un spectacle incroyable. Plusieurs nuages fonçaient à travers le ciel noir de la nuit, zébrés par de grands éclairs rouges. Des fantômes. Putain. Les nuages se concentrèrent bientôt en une sorte de tornade tournoyant vers le nord. Il fallait qu’elle s’y rende, c’était la seule chose qu’elle savait. Elle sauta par la fenêtre, atterrit au sol en douceur et suivit les fantômes jusqu’à l’hôpital, où la tornade semblait s’attarder. Mieux valait qu'elle n'utilise pas trop son redio, elle allait être épuisée en arrivant sur place et face à un danger comme celui-ci, ce n'était pas très recommandable. Accro, oui, suicidaire, non. Désolée Bobby.

Une grande foule était déjà sur les lieux, et la plupart était en panique, comme on pourrait s’y attendre. Ils feraient mieux de partir plutôt que de rester là à attendre d’être emportés par la tornade, songeait Debbie. Evidemment, elle-même n’en faisait rien. Elle s’approcha d’un groupe au hasard et, pour ne pas changer ses habitudes de journaliste, leur demanda :

« Excusez-moi, vous comprenez ce qu’il se passe ? Vous pensez que les Angels vont réussir à arrêter ça ? Vous connaissez ceux qui sont là ? Est-ce qu’il ne vaudrait pas mieux évacuer la ville ? »

L'ivresse donnait des ailes d'après certains. Pour Bailee, elle la rendait plus idiote encore qu'elle ne l'était d'habitude. Son état ne s'améliorait pas et tituber n'arrangeait rien jusqu'à ce que la tornade dégouline au sol dans un amas de fumée. A retardement, la blondinette reculait dans un "Oooh". Son regard s'orientait vers Helena qui semblait avoir les pieds sur terre, elle.

"Si on meure on 'a devenir com' sss?" Demanda Bailee en pointant d'un doigt en direction du nuage.

Heureusement que le nuage prenait tout l'horizon dans cette maudite avenue, parce que l'index semblait peu sûr de ce qu'il devait indiquer.

"Y a qu'rester là pou le s'voir." Plus ça allait, moins ça allait pour l'articulation de la blonde. Peut être que la fuite ne serait pas une si mauvaise idée, non? Elle hésitait à présent.

Soudain, ce fut la panique. Enfin, plus qu’avant. Ce n’était vraiment pas malin de rester ici. Les gens devraient fuir, se mettre en sécurité. Mais c’était un conseil que Debbie ne suivrait pas aujourd’hui. Ce n’était pas son genre de fuir, et elle avait au moins l’occasion de se trouver au cœur de l’action. Elle regretta même de ne pas avoir pris son appareil photo.

Il y avait autre chose aussi. Une sensation bizarre, parcourant chacune de ses veines. Ça avait rapport avec son redio, elle le sentait, mais elle n’aurait pas su dire ce que c’était. Pas grand-chose, sans doute. Il y avait d’autres préoccupations plus importantes.

Il y eut une collision juste à côté d’elle, entre le type qui avait tenté de répondre à ses questions et un jeune blond. Par réflexe, elle tendit ses bras pour essayer de les rattraper, mais le temps qu’elle arrive, l’homme plus vieux était déjà à terre, sur le dos. Debbie lui tendit une main et lui demanda :

« Ca va ? Vous vous êtes pas fait trop mal ? »

L'alcool troublait son analyse. Pourtant lorsque le nuage les traversa, le froid, le danger ou un instinct de survie tardif la saisirent. Les gestes restaient entravés par la substance mais le pas se pressa derrière la brune qui lui indiquait le chemin. Un brin de reconnaissance la traversa avant d'enjamber d'étrange rayures noires au sol. Heureusement, elle n'avait rien vu des étranges bêtes dans son dos. Jamais elles ne pourraient courir assez vite pour échapper au nuage dans lequel elles baignaient. Devaient-elle rentrer à l'intérieur d'un bâtiment? Parce que le dernier rugissement ou meuglement entendu lui signifiait clairement qu'une chose vivait dans la brume.

"On devrait se mettre à l'abri." Proposa Bailee en pointant du doigt la porte d'un des immeubles sans pour autant arrêter de courir. A savoir si c'était ouvert... C'était tout autre chose.

C’était de pire en pire et Debbie se demanda même si elle n’était pas simplement victime d’un cauchemar. L’homme qu’elle avait aidé à se relever lui parla mais elle n’écoutait déjà plus. Son attention était uniquement portée sur ces espèces de serpents noirs qui fonçaient sur elle. Elle hurla de toutes ses forces, incapable de gérer sa terreur. Près d’elle, d’autres personnes se faisaient happer par cette masse noire et semblaient se vider de leur énergie. Si elle ne faisait rien, ce serait son tour. Mais la peur la paralysait presque, elle ne savait plus quoi faire.

Elle regarda autour d’elle avec des yeux plein de détresse, cherchant quoi que ce soit qui pourrait l’aider, mais rien de ce qu’elle voyait n’était rassurant. Putain, c’était quoi ces horreurs ?! Ok, ok, ressaisis-toi, tu peux pas crever maintenant. Au moment où les deux traits noirs allaient attraper ses jambes, elle se concentra et, malgré la sensation étrange qu’elle ressentait encore au niveau de son redio, tenta de s’envoler le plus haut possible pour échapper à son destin tragique.