Fight in the night[ft. Idille]

Une fois de plus, les affaires se portaient bien. Le coup de vent avait balayé sa cible et n’avait rien laissé derrière lui. Ou plutôt, derrière elle ! Un peu trop de sang peut-être… Je n’aimais pas la vue du sang, non pas que j’étais comme ces fillettes qui s’évanouissaient à la moindre goutte, mais… Ça me donne des impressions étranges. Je suis mal à l’aise et j’ai souvent des visions flash, qui part aussi vite qu’elles ne sont arrivées, sans que je puisse saisir quoi que ce soit. Le médecin du gang a suggéré que ce pouvait être lié à mon passé…pff, foutaises !
Marchant au fil de mes pensées, je me suis retrouvé presque de l’autre côté de la ville une heure à peine après avoir accompli ma mission. C’était la partie commerciale de la ville. Beaucoup de magasins, quelques bars et boites, mais surtout un grand centre commercial. Les gens étaient bourrés, certaines fois drogués, mais surtout absolument pas attentifs aux autres.
Comme j’en avais l’habitude, je me suis caché entre deux magasins, derrière les bennes à ordures, pour changer de tenue. D’un sweat rouge très foncé, je suis passé à une veste en cuir noir sur un t-shirt gris foncé. Le pantalon, lui aussi fut changé, et le tout dans mon sac en attendant d’être brûlé une fois chez moi. Puis, j’ai continué ma route pour rentrer chez moi. Je devais passer par le parking que centre commercial. Je restais attentive, dans l’ombre, pour ne pas tomber sur un drogué ou un ivre ou même les deux qui traînent dans le coin comme des zombies. Et puis je les ai entendus, de loin. Ils semblaient se battre, ces bouffons… AU début, je n’ai pas voulu m’en mêler, je ne sais d’ailleurs pas vraiment pourquoi je l’ai fait. Mais ce type, ce gosse, il était aussi jeune que moi, il ne semblait même pas vouloir se défendre !
Je crois que ça m’a énervé, je crois que j’ai eu pitié aussi, un peu… C’est assez inexplicable venant de moi mais… J’y suis allée. J’ai enfilé mes gants en cuir et je me suis élancée.
Comme ils ne s’attendaient pas à voir arriver une autre personne, j’ai réussi à prendre par surprise le gars au canif. Avec une chute de tissu ramassé à la va-vite, j’ai recouvert sa bouche pour qu’il ne crie pas. Dans un même mouvement, je l’ai tiré en arrière puis lui ai assené un coup de genou dans le bas du dos. C’est ici que ça fait le plus mal. C’est cris, bien que camouflés par le tissu, se sont bien attendu avant qu’il tombe sur le sol. Comas éthyliques sûrement, quel minable.
Me frottant les mains, j’ai levé les yeux vers le garçon. Mon redio en pleine activité m’indiqua qu’il s’agissait de Tyler Harper, 18 ans, sans redio, entre peur et étonnement. Je l’ai dévisagé sans rien dire.

Je m’étais bien évidemment attendu à ce qu’ils se jettent sur nous. Pas un pour rattraper l’autre. Évidemment, grosse brute misogyne qu’ils étaient, même après m’avoir vu battre leur ami, il n’y en a qu’un qui s’est jeté sur moi. Barry Bartman, 51 ans. Ce devait être le moins défoncé, ou le moins misogyne peut-être… C’est la réaction du gars, Tyler, qui m’a avertie de leur arrivée. J’ai pu alors me retourner juste à temps pour faire voler mon poing dans la mâchoire de ce Barry, ce qu’il a propulsé en arrière. En temps habituel, mes coups n’avaient pas cet effet, mais bourré et défoncé comme il était, c’était presque beau à voir. Une fois à terre, j’ai envoyé mon pied sur sa boite crânienne, pour être sûre qu’il ne m’embête plus. Il n’avait même pas eu le temps de se servir de son redio, ce déchet. Je me suis tournée vers le garçon qui était en prise avec les deux autres. Il fallait bien avouer qu’il ne se débrouillait pas trop mal, mieux en tout cas que ce que je pensais ! On aurait dit qu’il avait eu juste besoin d’un bon coup de pied au cul. À votre service !
Lorsqu’il eut fini et que les deux autres abrutis se retrouvèrent à terre, je pris un instant pour regarder de haut en bas Tyler. Jeune oui, mais décidément pas du même monde que moi. Lui, il allait certainement au lycée, avait des amis et ne tuais personne… Merde, mais qu’est ce qui me prenais ce soir ! Reprenant mes idées, j’ai lancé un sourire ironique.
_ Tu vois, tu n’avais presque pas besoin de mon aide.
Enlevant mes gants, je me suis retournée et ai repris le chemin vers chez moi.

À vrai dire, je m’y attendais un peu, que Tyler me rattrape. Surement incité par la plupart des films et séries où le garçon rattrape toujours la fille.
Je l’ai regardé dans les yeux quelques instants. Mon redio ne m’indiquait de la sincérité, et de la reconnaissance.
Et là je me suis rendu compte dans quelle situation m’avait mis ce sauvetage : un lien avec quelqu’un, quelqu’un qui donc avait une dette envers moi. C’était un danger pour moi, je n’avais pas fait assez attention. Mais en même temps… Si je restais avec lui, je me donnais un alibi de plus. Et puis de toute façon, si ces sentiments à mon égard changeaient, je le saurais tout de suite.
J’ai soupiré.
Je ne pouvais pas ne pas dire que discuter avec les gens et m’inventer une histoire ne me plaisait pas, au contraire ! Alors quoi, j’allais accepter ?
Je me suis retournée et ai commencé à marcher. Après trois pas, je me suis retournée vers lui.
_ Alors, tu viens ? À ce train-là plus rien ne sera ouvert !
J’ai continuer à marcher sans m’enquérir de voir s’il me suivait, de toute façon je le sentais. En marchant, je commençais à penser au genre de vie que j’allais pouvoir lui raconter et du pseudo que j’allais lui donner.

San Diego était lumineuse. Malgré le vide étoffant de ces rues, elle brillait de toute part. Nous avions rejoint une des rues principales. De loin, j’ai entendu des éclats de rire. D’un coup d’œil derrière moi, je m’assurais que Tyler Harper s’y trouvai toujours.
J’allais entrer à l’intérieur quand je me suis arrêtée. Peut-être qu’il serait bien de… je sais pas, lui demander son avis ? Je n’étais jamais entrée comme ça dans un bar avec quelqu’un si tard le soir… ou si tôt le matin, surtout juste après une mission. J’avais encore l’image mentale du sang giclant vers moi, essayant de ramener avec lui quelque chose que je m’étais depuis toujours cachée à moi-même.
Je dégluti pour ravaler ces mauvaises impressions et cette image et soupirais.
_ Tu veux aller là ? Il y a l’air d’avoir des coins tranquilles derrière ces bêtes imbibés d’alcool…
En regardant ce type qui n’était pas vraiment beaucoup plus vieux que moi, je me rendis compte que je savais pas vraiment ce que je pourrais lui raconter. Il était mignon et avait l’air gentil, le genre de personne face à qui je pourrais pas ne pas avoir de moment d’hésitation, un fusil contre la tempe….
Mais qu’est-ce que je raconte ! Bien sûr que non, je ne doute pas ! Je n’hésite jamais, JAMAIS !
De nouveau, je me retrouvais à l’intérieur de moi-même, énervée et essayant de ne pas laisser échapper cette colère. Heureusement, j’avais assez d’années d’entraînement à mon actif pour y arriver.

Nous nous sommes assis dans un coin éloigné. Le bar n’était pas très éclairé et encore moins là où nous nous trouvions. Le barman visiblement seul à travailler ce soir-là, semblait lassé des fêtards qui lui criaient dans les oreilles. Il vint vers nous avec un sourire de soulagement.
_ Que puis-je vous servir ?
_ Un verre de lait pour moi.
Tyler passa sa commande à son tour puis le barman retourna vers son poste. J’ai reporté mon attention vers Tyler qui m’avait posé une question à laquelle je devais répondre. J’avais eu le temps d’y réfléchir et je décidais d’utiliser le même patronyme que j’avais donné à mon voisin.
_ Moi c’est Kathrin Thomas.
Très vite après, je me suis dit qu’il ne pouvait (et ne devait) pas savoir que je savais déjà son prénom.
_ Et toi ?
Entre temps, le barman était revenu avec nos commandes. La soif me poussa à boire directement sans attendre Tyler. Dans ma tête, je repassais vite fait l’histoire que j’avais créée pour Kathrin, ce que je pouvais y ajouter, ce que je prenais de moi, ce que j’inventais… Je fus très vite prête à répondre à toutes les questions qu’il pourrait me poser.